mercredi 21 décembre 2011

J'ai tout fait comme la BCE...

..Enfin je crois, j'espère que c'est juste et je participe ainsi à la relance de l'économie mondiale.
  • J'ai dit à mon banquier qu'il pouvait se servir sur mes comptes et même me coller des dettes sur le dos s'il n'y en a pas assez.
  • J'ai ajouté que s'il avait besoin de plus d'argent et bien qu'il pouvait se servir dans le pot.
Le pot c'est l'endroit où l'on cotise avec des amis. On réunit une grande partie de nos économies et ensuite on les fait fructifier.

Comment ? Eh eh, on voit bien que vous trépignez d'impatience à l'idée de connaître les conseils d'experts avisés n'est-ce pas ?

Et bien en ce moment en période de crise et de forte inflation notre stratégie d'enrichissement consiste à prêter notre argent à 1% voire moins comme ça tout le monde est content.

  • Ainsi on aide ceux qui sont dans le besoin (dans le besoin d'argent soyons précis, pas ceux qui ont faim, soif, froid, sont malades, ... ah non ceux-là on verra plus tard car là il y a urgence !).
  • Alors on aide les nécessiteux y compris les malfrats qui ont besoin d'une seconde chance, les enfoirés qui ont besoin d'une troisième chance et les piètres tricheurs qui ont toujours besoin d'argent même quand le pot a déjà été rempli maintes fois, même quand ils annoncent que le pot est plein et qu'il déborde. Tiens c'est vrai ça, c'est étrange...
Sinon quand on a plus d'argent à leur prêter et bien on emprunte sur les marchés pour pouvoir leur prêter, souvent pour qu'ils nous reprêtent car nous avons nous aussi des dépenses, eh oui.
Mais les marchés ne sont pas très sympathiques en ce moment car ils voient que l'on prête trop, que l'on dépense trop.
Et oui ils ne sont pas bêtes les marchés. En fait les marchés savent que nous prêtons trop car c'est justement à eux que l'on prête alors forcément ils sont au courant, vous suivez ?

Et donc pour nous remercier ils ont dégradé notre note et pensent encore la dégrader. Enfin ce ne sont pas eux qui nous dégradent, eux nous vendent et ce sont leurs amis, enfin leurs connaissances, leurs potes de promos, ... enfin des agences indépendantes donc, qui nous dégradent.

C'est dur car ce n'est pas la première fois et cela devient de plus en plus cher pour nous d'emprunter sur les marchés pour pouvoir prêter aux marchés pour qu'ils nous reprêtent.
Ah on veut bien faire plaisir mais il ne faut pas nous prendre pour des pigeons eh eh parce qu'on n'apprend pas au vieux singe à faire la grimace.

C'est d'ailleurs pour cela que l'on a choisi de mettre les meilleurs aux manettes, des anciens des marchés justement, ceux qui connaissent toutes les ficelles pour ne pas que l'on se fasse avoir, eh eh. 
Ils nous coûtent très cher c'est vrai mais avec eux au moins on est sûr que l'argent va tourner même si pour le moment il est un peu détourné.

Pour l'instant on a réussi a maintenir la trésorerie mais ça devient dur d'aider tout le monde.
Donc j'ai dit à mon banquier que nous avions l'impression mes amis et moi de s'être faits un peu rouler dans la farine.

Eh oui car avant nous empruntions à 3% pour prêter à 1%, cela ne nous coutait que 2%, c'était cadeau, c'était 1/50ème des économies gracieusement offertes pour un monde meilleur dira-t'on.
Mais aujourd'hui avec ces fichues agences cela nous coûte bien plus... 7%, 20%, ... j'ai même des amis qui cotisent au fond qui prêtent à 1% mais qui paieraient ensuite plus de 250% à 1 an s'ils empruntaient pour prêter, ce sont des amis qui habitent un beau pays où tout le monde voulait aller en vacances avant...

Là on n'a plus beaucoup d'argent alors on a demandé de l'aide mais pour le moment on doit attendre car il faut aider les banques qui en ont plus besoin que nous.

Heureusement qu'elles sont là et c'est vrai qu'il faut les aider, encore 490 Mds ce matin, il faut les soutenir sans quoi... sans quoi finalement on ne sait pas... 
Ah si ! parce que il m'a tout bien expliqué mon banquier, il m'a dit que les raisons sont claires, pas d'autre solution, risque systémique, soutien obligatoire aux pilliers de l'économie sans quoi tout s'effondre, l'effet domino, tout, j'ai tout compris, 10 lignes, top, présentation impeccable, j'ai signé. Enfin je dit j'ai signé, quelqu'un avait déjà signé à ma place... il y a plusieurs mois. Bref, de toutes façons il faut le faire c'est un devoir national et européen m'a t'on dit.

Je lui ai demandé cependant si je ne pouvais pas prêter directement à mes amis :
"et non oh lala surtout pas", ce n'est pas démocratique, il y a un traité, pas un traité de con mais presque, un manuscrit qui dit "non non non surtout pas".

J'ai dit d'accord mais les dettes de mes amis qui empruntaient pour eux et pour vous, pour maintenir le système, vous m'avez demandé d'emprunter pour racheter leurs emprunts, ce qui n'était pas autorisé par le traité. 

Ah ! Alors ? Vous me répondez quoi là ?

Et il m'a répondu... rien... on a parlé de DSK qui aurait 2 pénis ah oui enfin c'est ce qu'on dit et tout le monde en a parlé et du coup finie la crise, on a bien rigolé et on a bien bu et bien mangé surtout, des mets délicats, les meilleurs vins fins et cette belle soirée dans cet endroit de rêves avec ces jardins de rêves. Enfin je dis ça, ça c'était après, moi je n'en ai vu que quelques images à la télévision, je n'ai pas été invité.

Donc pour résumer :

  • Mes amis et moi pouvons prêter à faible taux à ceux qui nous prêtent à fort taux. C'est normal, il n'a jamais été interdit de jeter son argent par la fenêtre, rien d'anormal en effet.
  • Mes amis et moi pouvons acheter les dettes pourries que les marchés ne veulent pas même si c'est interdit par le traité démocratique. Pas de remarque ? Non ? Bon on plie alors, affaire classée.
  • Mais mes amis et moi on ne peut pas se prêter entre nous. Et alors émettre de la monnaie sur la base de nos actifs encore moins vous pensez bien que c'est non, non et mille fois non.
J'ai l'impression de m'être fait baisé non ?!?
Au moins un peu en tout cas... ou c'est moi... ah oui et j'ai croisé un ancien tricheur, il a bien réussi ces dernières années, il est devenu Directeur de la Banque Centrale Européenne, c'est fou ça, en fait c'est lui le gérant de notre pot.

Black Hole,
publie régulièrement des billets d'humeur sur le forum boursorama

Plus belle la vie... de banquier !

La BCE initie donc ce jour des prêts "illimités" à 3 ans pour les banques.
Après les 140 milliards prêtés hier pour 1 jour (la crise de liquidités est telle que les banques ont besoin de tant de milliards pour un seul petit jour ?), et après les 50 milliards de dollars prêtés il y a 10 jours suite à "l'intervention coordonnées des banques centrales", ce sont donc 489 milliards d'euros prêtés ce jour par la BCE à 523 établissements, pour 3 ans, à un taux dérisoire... Une sorte de "QE" (Quantitative Easing) qui ne dit pas son nom, après avoir tant critiqué cette méthode utilisée par la FED.

Une petite rétrospective sur le mois qui s'est écoulé m'a semblé nécessaire..

L'allemagne a refusé la planche à billets, c'est à dire la pure création monétaire par le rachat direct et massif de dettes souveraines par la BCE.

Morceaux choisis :

22/11 : l'espagne émet pour 2,978 milliards d'euros de bons à 3 et 6 mois aux taux respectifs de 5.11% et 5,227% (le double des taux d'octobre)

29/11 : L'Italie place 7,5 milliards d'euros de papier à trois ans au taux record de 7,89% après 4,93% en octobre

14/12 : L'Italie place 3 milliards d'euros d'obligations à cinq ans au taux de 6,47% (contre 6,29% lors de la précédente opération similaire en novembre.)

Prenez la liste de toutes les émissions effectuées sur octobre / novembre et décembre et faites la somme des milliards..

Prenez en compte dans ce contexte l'obligation faites aux banques d'atteindre 9% de ratio Tier1 au printemps, et des cours en chute de 50 à 60% depuis le début de l'année : impensable pour elles de faire des AK à ces niveaux.. donc pour réduire le levier, on peut soit augmenter les fonds propres soit diminuer le bilan..


21 décembre : open bar à la BCE, les banques apportent leurs "garanties" au guichet (dettes d'état entre autres) et repartent avec des valises de billets tous neufs, prêtés à un taux tres faible.

523 établissements repartent avec 489 190 milliards.

Je suis banquier, j'apporte en garantie 7.5 milliards d'obligs italiennes à 7.9%, je les planque au fond du coffre de la BCE, et je repars avec 7.5 milliards de billets tous neufs à 1%

Pendant 3 ans je vais faire mumuse en distribuant du crédit aux entreprises (avec des agios à 8 ou 15% sur les fins de mois et du factoring à 4% mini), je vais distribuer du credit revolving à 18% aux particuliers, je vais faire mumuse sur les marchés financiers (MP, dérivés, etc..)
Si je ne suis pas trop mauvais je ferai une super culbute et quand je rapporterai mes 7.5 milliards à la BCE en fait j'en aurai mis de coté 50% dans mes bonus, et je récupérerai mes obligs italiennes données en consigne tout en touchant les 7.9% x 3..

Au passage, en juin 2012 quand on regardera mon bilan et mon ratio j'aurais ni vu ni connu passé le test puisque débarrassé de ce qui se voyait trop.

Et si entre temps l'italie fait défaut de 50%, ce n'est pas pour ma pomme puisque j'ai donné mon papier à la BCE en garantie, donc c'est elle qui prend la perte..

Le bonheur, je vous dis, le bonheur... car évidemment on ne m'a absolument rien demandé en contre partie, aucune réforme, aucune régulation..

Il fallait y penser !

dimanche 11 décembre 2011

Audition de l'inspectrice générale de la FED au congrès américain

Vous trouverez ci-dessous la retranscription de l'audition d'Elizabeth Coleman, inspectrice générale de la Federal Reserve (la banque centrale américaine, qui, rappelons-le, est un cartel de banques privées) au congrès américain, par l'élu Alan Grayson.


La vidéo sur Youtube :



AG : Inspector Coleman vous êtes bien Inspectrice Générale à la Réserve Fédérale ?
EC : Absolument

AG : Avez vous mené une enquête concernant le role de la FED vis à vis de Lehman Brothers qui fit trember le systeme financier tout entier ?
EC : Dans ce secteur particulier vous savez je n'ai pas envie de faire des remarques sur des enquetes spécifiques mais nous n'avons pas actuellement enquêté sur ce secteur particulier..

AG : Ok, et en ce qui concerne le trillion (en US soit 1000 milliards) de dollars qui ont disparu des livres comptables de la FED en septembre dernier, avez vous dilligenté une enquête sur ce sujet ?
EC : Et bien maintenant nous avons.. nous l'appelons un examen. Le terme investigation a une connotation particulière.. Nous conduisons en réalité un examen tres rigoureux sur l'ensemble de nos équipements.. de prêts divers, collectivement, qui incluent vous savez les 'TOWS' ainsi que la variété des programmes différents qui sont dans le processus.. nous regardons donc cela rigoureusement afin d'identifier les risques..

AG : Je comprends cela mais nous parlons ici d'événements qui se sont déroulés il y a huit mois.. Etes vous arrivés aux conclusions étendant le bilan de la FED de plus de 1000 milliards de dollars depuis septembre 2008 ?
EC : nous ne sommes pas encore arrivés à ces conclusions

AG : savez vous qui a reçu cet argent ?
EC : Nous sommes actuellement en train d'examiner cela et ...

AG : d'accord mais vous êtes l'inspectrice générale, ma question est celle-ci : savez vous qui a reçu ces 1000 milliards de dollars pour lesquels la FED a augmenté son bilan depuis septembre 2008 ? Connaissez vous l'identité de ceux ou celui qui sont receveurs de ces fonds ?
EC : je ne sais pas, nous n'avons pas regardé ce secteur spécifique à ce moment particulier des examens

AG : en ce qui concerne le rapport de Bloomberg selon lequel il y a des transactions de milliers de milliards de dollars hors bilan.. que la réserve fédérale a incorporé depuis septembre dernier, êtes vous familière de ces transactions hors bilan ?
EC : vous savez, je pense qu'il serait important de montrer sur ce point les aspects liés à notre juridiction et de clarifier, peut etre, certains de mes commentaires précédents : en tant qu'inspecteurs généraux nous avons une vue directe sur les programmes et opérations et nous sommes aussi capables de regarder les actions des délégués du conseil de la banque centrale, aussi bien la surveillance du conseil que la surveillance de la banque centrale. Nous n'avons pas de juridiction pour faire sortir et vérifier les activités bancaires de la FED. Néanmois dans nos projets d'établissements de prêts par exemple, nous surveillons le Conseil sur les programmes et cela jusqu'au périmètre de la banque de New York

AG : j'ai une copie de l'Inspector General Act ici devant moi et il y est dit que si vous êtes responsables, vous pouvez conduire et surveiller des enquêtes touchant aux programmes et opérations de votre agence.
EC : c'est exact

AG : donc je vous demande si votre agence a en fait accordé selon Bloomberg, 9000 milliars de dollars en crédits, ce qui représente 30 000 dollars pour chaque homme, femme et enfant de ce pays. Je voudrais savoir si vous n'êtes pas responsable d'examiner cela, qui l'est ?
EC : euh..nous en fait.. nous avons la responsabilité pour les programmes et les opérations de la FED ainsi que conduire des audits et des enquetes dans ce secteur.. pour ce qui est de l'examiner.. pouvez vous répéter la question une nouvelle fois ?

AG : qu'avez vous fait pour examiner les transactions hors bilan de la FED, qui selon Bloomberg, s'élèvent à 9000 milliards de dollars sur ces 8 derniers mois ?
EC : je dois regarder l'article de Bloomberg que je n'ai d'ailleurs pas lu..

AG : ça n'est pas la question ! La question est : avez vous enqueté sur la disparition des 9000 milliards de transactions conduites par la FED ?
EC : Pour le moment nous conduisons notre projet d'organisme de pret de façon minutieuse et nous n'avons pas suffisamment d'élements afin d'être en mesure de répondre à votre question

AG : avez vous conduit une enquête ou un audit sur les pertes de la FED sur ses prêts depuis septembre ?
EC : nous sommes toujours en cours en train de conduire cet examen. Tant que nous ne sommes pas allé chercher des informations je ne suis pas en mesure de répondre spécifiquement à cette question

AG : Etes vous en train de me dire que personne à la FED ne suit la trace de façon régulière des pertes représentant désormais un portefeuille 2000 milliards de dollars ?
EC : je ne sais pas si.. vous me dites qu'il y a.. vous avez.. manquant.. qui sont perdus.. je dis juste que nous ne sommes pas.. Jusqu'à ce que nous regardions le programme et ayons les informations nous ne sommes pas en mesure de dire s'il y a des pertes ou bien de répondre d'une autre façon à cette question

AG : mon temps est écoulé mr le président, mais je suis choqué que personne à la FED, ni meme l'inspectrice générale ne puisse avoir gardé une trace de tout ceci

Source avec sous titres :
http://www.dailymotion.com/video/xe744k_9-000-milliards-ont-disparu-de-la-f_news



En complément, l'article de "Arrêt sur images" de cette semaine :
http://www.arretsurimages.net/contenu.php?id=4527

samedi 10 décembre 2011

FESF / MES / meccano inutile

06/12/2011 : S&P place sous surveillance négative le FESF, vous savez le truc génial annoncé en mai 2010 qui devait sauver la Grèce (mais en fait depuis elle a coulé), puis, selon le sommet du 27/10/2011, qui devait voir sa "puissance de feu" multiplié par 4 au point de "sauver le monde".

Cette mise sous surveillance négative est la conséquence de la mise sous surveillance des principaux pays contributeurs..

Rappelons que le "Fonds Europeen de Secours Financier" n'est qu'une espèce de machin dans lequel abondent les pays européens, tous endettés, et auquel on veut ensuite appliquer un effet magique de levier comme pour une banque : on dépose 100 en garantie ce qui permet ensuite d'emprunter 400 ou 600 ou plus, pour le prêter à ceux qui ont déposer les 100 d'origine parce qu'en fait ils ne les avaient pas.. Sans rire !

En effet, pour sauver les états européens ayant des difficultés d'accès aux "marchés" à des taux raisonnables (Grèce, Irlande, Portugal... ), l'Europe avait donc inventé une coquille vide, le FESF.
On y dépose 440 milliards que nous n'avons pas, on en prête à la Grèce, au Portugal, à l'Irlande, et il ne reste déja plus que 250.. un peu juste si nous devions sauver l'Espagne ou l'Italie.

Ce "machin" doit donc emprunter sur les marchés les montants dont il a besoin, les apports des états n'étant que des "garanties"...
Mais comme le FESF est "garanti" par des états eux mêmes surendettés, les taux auxquels a et aura accès le FESF seront de plus en plus élevés... pour reprêter donc, pas à perte, à des taux également de plus en plus élevés..
Intelligent, il fallait y penser, ça permet de rémunérer au passage quelques copains "intermédiaires"..

Bref, le machin vide n'ayant plus aucune utilité, on va avancer la création d'un autre montage, tout aussi vide, mais on change le nom pour essayer..
le MES.. le Mécanisme Européen de Stabilité.. qui pourrait même voir le jour un an plus tôt que prévu, avant la mort de son petit frère le FESF..

Combien de technocrates ont ont participé à ce cirque ?
Qui croit que ça peut marcher ? personne évidemment..
Et le pire, c'est qu'au final la BCE n'achète toujours pas la dette des pays en difficulté, et en attendant que tout ce bazar improbable fonctionne, on a encore trouvé pire : on va prêter 200 milliards au FMI qui pourra les reprêter aux états, en se chargeant bien entendu d'envoyer leurs inspecteurs vérifier si les bonnes réformes sont faites en échanges des prêts.
Les bonnes réformes ? bah oui forcément, celles qui correspondent au "consensus de Washington", à savoir la même logique que celle qui, appliquée partout depuis 30 ou 40 ans, détruit à peu près tout au profit de l'oligarchie financière : privatisons routes, hopitaux, ports, aéroports, assurances santé, etc..

Au fait, vous saviez que grâce à notre excellente directrice générale du FMI qui fut au préalable ministre des finances du gouvernement français, Goldman Sachs est devenu distributeur de gaz en France ?

ils m'énervent, mais alors à un point..

Triple A, double 0, quadruple Z ... la nuisance des agences de notation et les contre vérités des médias

Certains ont sans doute entendu parler il y a quelques semaines d'une "boulette" de l'agence Standard & Poors, qui publiait pour ses abonnés l'information de la dégradation de la note de la France. 
L'agence a parlé d'une "erreur technique", en gros un webmaster a appuyé trop vite sur le bouton "mettre en ligne"..
Personne n'a sur le fond démenti l'information, ils se sont juste excusés de l'avoir mis en ligne "trop vite" en quelque sorte.

Sujet "technique" par excellence, peu abordable pour le grand public,  (la "note" de la dette souveraine d'un pays.. un peu comme un formulaire d'évaluation des risques lorsque vous vous retrouvez en face de votre guichetier à la banque pour solliciter un crédit pour la machine à laver, combien avez vous déjà de crédits sur le dos, combien gagnez vous, quelle est votre capacité à rembourser, etc..).


Mais je ne vais pas détailler ici le fonctionnement de ces notes, je veux juste pousser un "coup de gueule" :


Pour parler franchement, j'en ai plus qu'assez des agences de notation, on n'entend plus parler que de ça : TV, journaux, hommes politiques (passons sur les indiscrétions d'un président qui confie "si on perd le triple A je suis mort".) : pas une journée sans qu'un gros titre ne parle d'une agence de notation et d'un "triple A"..

On dirait qu'on est en train de distribuer des images à la maternelle..

Je connais par avance la réponse de certains : les agences ne font qu'évaluer le risque pris par ceux qui prêtent (banques, fonds de pension, compagnies d'assurances), en étudiant avec le plus grand sérieux les capacités de remboursement des états emprunteurs.
Il ne faut donc pas se tromper de cible, le problème n'est pas le thermomètre (les agences), mais les malades (les états).


Sauf qu'en cas de grippe, lorsque vous prenez votre température, le thermomètre ne fait qu'un relevé et n'aggrave pas la température.

1) Le rôle des agences et leurs erreurs passées


Les agences ne sont donc pas qu'un simple thermomètre puisqu'en dégradant un pays, elles font mécaniquement monter les taux d'intérêts, ce qui a pour conséquence de renchérir le coût de l'emprunt du malade, ce qui au final aggrave encore son sur-endettement.


Il est également utile à ce stade de se remémorer ce qui s'est produit au cours des années 2007 / 2008, avec pour apogée l'effondrement de la banque Lehman Brothers au mois de septembre 2008
  • cet effondrement a mis le monde de la finance en panique, et les états (américain, européens, japonais, etc..) sont massivement intervenus pour éviter la faillite générale du système, d'une part en injectant des milliers de milliards dans le système financier, d'autre part en tentant par tous les moyens des "plans de relance" de l'économie (exemple simple : les primes à la casse dans le secteur automobile)
  • la conséquence de ces sauvetages est que des milliers de milliards de dettes privées ont été transférées aux états, dont la dette a, à leur tour, explosé
Nous sommes donc dans une situation où, 3 ans après le risque d'effondrement de la planète finance (qui s'en est relevée), ce sont donc les états qui sont au dos du mur. Bien entendu entre temps aucune règle n'a changé sur les marchés financiers, ni sur les "produits dérivés", ni sur les paradis fiscaux, ni sur le trading robotisé à hautes fréquences, ni sur les "darkpool", etc..


Pourquoi le système financier a-t-il été au bord du chaos en 2008 : les fameux subprimes, à savoir des crédits hypothécaires sur l'immobilier américain, de plus en plus risqués, et disséminés tout autour de la planète dans des produits opaques, les CDO, de sorte qu'il devint impossible de savoir qui détenait le crédit de qui..


Dette, crédit... oui, vous avez tout compris, ces CDO étaient notés... par les agences comme le sont aujourd'hui les dettes des états.
Et comment Moody's, S&P ou Fitch notaient-ils ces "CDO" ?
AAA pardi, soit la meilleure note possible, des produits sûrs, un placement de bon père de famille.


Le plus incroyable est ce qui suit : le système de défense adopté par ces agences de notation lorsqu'elles furent auditionnées par le congrès et le sénat américain.
  • "nous ne faisons qu'émettre une opinion, au sens du 1er amendement de la constitution américaine, personne n'est obligé de nous croire ou de se baser sur notre opinion pour prendre des décisions d'investissement"
Je ne peux que recommander de voir le documentaire "Inside Job" (oscar du meilleur documentaire) dans lequel vous verrez les extraits des auditions des responsables des agences, c'est effarant.
Ainsi donc ces agences notaient AAA les CDO, bourrés de subprimes toxiques, ces CDO permettant la titrisation à l'échelle planétaire de tous ces crédits à risque, ce qui a entrainé la faillite de Lehman Brothers, la faillite de l'assureur AIG, le renflouement par l'état à coup de milliers de milliards de toute cette sphère financière de wall Street..


Cette crise a provoqué des dizaines de millions de chômeurs de par le monde, l'effondrement de l'immobilier américain à conduit à expulser jusqu'à 1 millions de foyers américains par mois de leurs logements saisis, 46 millions d'américains aujourd'hui ne peuvent manger que grâce à l'aide alimentaire...

Je reviendrai ultérieurement sur le mode de rémunération des agences de notation.. mais il faut à minima reconnaitre qu'elles ont été totalement déficientes sur la notation des CDO..

Conformément à leur défense, ce n'est donc qu'une opinion, et nous ne sommes pas obligés de les croire !


2) Triple A et taux d'intérêts


Il convient ensuite, contrairement à nos dirigeants politiques, de prendre un peu de distance face à ce sacré Graal que semble être le triple A : 
  • l'Allemagne et la France dispose toutes 2 du triple A, pourtant la France emprunte en ce moment à des taux d'environ 3.3 à 3.6% sur 10 ans quand l'Allemagne emprunte à des taux d'environ 2% sur 10 ans. Ainsi, le triple A n'est pas en soit un garant de taux d'intérêts les plus bas
  • Les États-Unis ont été dégradés cet été (il fallait bien faire diversion de la part des agences américaines pour que le pillage organisé de l'épargne européenne ne soit pas trop voyant), et malgré leur "double A", les États-Unis empruntent à des taux d'intérêts proches des taux allemands
 3) L'Allemagne, modèle irréprochable ?


Franchement j'aimerais qu'on cesse ne nous saouler (il n'y a pas d'autres mots) sur toutes les antennes au sujet de l'exemplarité de l'Allemagne, du "modèle allemand", de la "ténacité d'Angela Merkel" ou du couple Merkozy.


D'abord les excédents commerciaux de l'Allemagne sont pour la plupart les déficits de pays comme la France, l'Italie, l'Espagne, le Portugal ou même le Royaume Uni.


D'autre part, si l'on revient sur le sujet "dette", l'aggravation de la dette allemande sur les 4 dernières années est tout à fait comparable à l'aggravation française.
En effet, lors de l'effondrement du système bancaire fin 2008, l'Allemagne a appliqué la méthode américaine (les États Unis ont par exemple pris à la charge de la collectivité les 300 milliards de dollars d'actifs pourris de Citigroup) : les actifs non moins pourris de Hypo Real Estate, banque allemande spécialisée dans le crédit immobilier, ont été transférés à la charge de l'état fédéral... sans parler de l'état actuel de Commerzbank et des injections de liquidités publiques dans Dresner..


Par ailleurs, la démographie allemande étant totalement atone, l'aggravation de la dette allemande va couter de plus en plus cher par habitant au peuple allemand, sans parler des nombreuses collectivités locales en faillite dont on ne parle jamais.
Certes l'Allemagne peut en ce moment se refinancer à des taux d'intérêts inférieurs à l'inflation..

Je peux également ajouter que l'Allemagne un tantinet arrogante ces derniers mois sur la discipline budgétaire à infliger aux pays "du sud" a été la première rompre le pacte de stabilité et de croissance de l'UE en pratiquant une dévaluation masquée : baisse massive des cotisations sur le travail en contrepartie d'une hausse de la TVA, ce qui n'est pas en soi une mauvaise chose en Europe mais  c'est de la concurrence déloyale vis à vis de ses partenaires européens (alors que de façon coordonnée en Europe, c'est une des meilleures réponses à la concurrence asiatique). Ainsi cette dévaluation masquée et cette déflation salariale a permis de restaurer la compétitivité allemande après la réunification et permet aujourd'hui à l'Allemagne d'afficher son insolent excédent commercial, réalisé sur le dos de ses voisins.

On a oublié un peu vite que l'Allemagne a été, comme d'autres (la France), en déficit excessif au début des années 2000, et que les sanctions prévues n'ont pas été appliquées..


4) Croissance des agences de notation


Il est tout à fait pertinent de se pencher sur la croissance exponentielle du chiffre d'affaires des agences de notation (il ne vous a pas échappé que ce sont des entreprises privées et pas des sortes de "cours des comptes" officielles), cette croissance ayant été réalisée en très forte corrélation depuis les années 90 avec la dérégulation financière (bulle internet en 2000,  etc..)


Comme toute entreprise, ces agences ont des clients, parmi lesquels de grandes banques, qui font ainsi l'économie d'évaluer elles-mêmes le risque pris en achetant tel ou tel titres de dette.

On peut même aller plus loin et carrément soupçonner le système de collusion ou de corruption lorsque par exemple une banque comme Goldman Sachs vend des CDO bourrés de subprimes et notés AAA par les agences, à ses clients, tout en pariant contre ces mêmes subprimes en achetant des assurance chez AIG, tout en pariant également sur la chute d'AIG qui serait incapable de payer le montant des assurances souscrites.. Cette banque obtient néanmoins moyennant rémunération que ses produits soient notés AAA.

5) le schéma de pompage de l'épargne européenne

Est il possible d'en déduire, ou de soupçonner tout du moins, le schema suivant :

les banques américaines sont encore aux abois, les séquelles de 2008 ne sont pas effacées, la dette américaine a elle-même explosé, le scandale du foreclosure gate peut à tout moment les mettre à genoux, et malheureusement le niveau d'endettement des ménages aux USA est tel, et le niveau d'épargne tellement inexistant qu'il y a une proie evidente, l'épargne européenne !


Description simpliste.. mais tout à fait plausible :
  1. une banque US commande une étude à une agence, qui doit dégrader un pays ou une entité européenne
  2. l'agence se fait payer pour cette dégradation grassement par la banque US
  3. le pays est dégradé, ses taux d'intérets s'envolent
  4. la banque US en question ainsi que 3 ou 4 de ses consoeurs émettent 98% des CDS, produit merveilleux inventé par JP Morgan en 1997 (Credit defaut Swap), en quelque sorte un certificat d'assurance sur la dette
  5. bien évidemment, le prix de ces CDS s'envole corrélativement à l'envolée des taux du pays dégradé
  6. ainsi lors d'une émission obligataire du pays dégradé, les "acheteurs" de dette pensent se couvrir en achetant à prix d'or les CDS émis
  7. un peu plus tard (mois ou années), on s'aperçoit finalement que le pays ne peut pas rembourser... mais on décide communément d'une décote "volontairement acceptée" par les banques
  8. Il n'y a donc pas ce qu'on appelle un "événement de crédit", donc les CDS ne sont pas déclenchés, donc les banques émettrices de ces produits n'ont rien à payer en dédommagement du "sinistre".
C'est magique non ? vous vous assurez contre le vol de votre voiture auprès d'une compagnie d'assurance, vous payez donc une prime, mais lorsque votre voiture est réellement volée (ainsi que celle de vos voisins), l'état vient vous voir et vous dit que vous avez accepté volontairement de perdre votre véhicule, qu'il en va de l'intérêt général, et donc la compagnie d'assurance ne doit pas vous indemniser.
Vous avez donc payé votre prime pour rien.. pas tout à fait car ça vous a permis de faire croire à tout le monde que vous n'étiez pas en risque avec ce véhicule..
Les banques acheteuse de dettes qui se couvrent par les CDS peuvent ainsi dissimuler une grosse partie de cette dette en hors bilan..
  • Peut on à minima poser la question de l'indépendance de ces agences ?
La réponse est claire quand on étudie leur actionnariat, il s'agit des gestionnaires des plus grands fonds de pension américains, qui sont d'ailleurs également actionnaires des plus grandes banques.


Conclusion

Avant la crise des subprimes personne ou presque dans le grand public n'avait entendu parlé de ces pieuvres. Aujourd'hui, si "la politique de la France ne se décide pas à la corbeille" comme disait un certain général, toute décision politique est dictée par ces entreprises qui sont pourtant coupables d'incompétence caractérisée, à minima, sur les CDO, et de fraude organisée plus probablement.

Alors certes elles ne sont pas responsables à la base de la mauvaise gestion d'une partie des finances publiques, mais elles sont tout à fait nuisibles, partie prenantes du système et devraient être mises hors d'état de nuire

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